Episode 7 - L’addition, s’il vous plaît !

Prévoyance vieillesse 2020, la grande réforme du système de sécurité sociale suisse

Dans la continuation de notre série d’articles consacrés au projet de réforme globale « Prévoyance vieillesse 2020 », nous vous proposons aujourd’hui :

Episode 7 - L’addition, s’il vous plaît !

L’argent ne fait pas le bonheur… mais quel bonheur d’avoir de l’argent ! Surtout lorsqu’il s’agit d’atteindre l’objectif ambitieux du projet de réforme Prévoyance vieillesse 2020 qui est d’assurer le financement à moyen terme de notre système de prévoyance tout en maintenant les prestations de la prévoyance obligatoire.

Or, on le sait, de graves menaces pèsent sur la santé financière de notre prévoyance à cause de l’évolution des paramètres démographiques et économiques. Les perspectives font craindre une lacune de financement de l’AVS de plus de 8 milliards de francs à l’horizon 2030 et la prévoyance professionnelle obligatoire doit également être stabilisée afin de sauvegarder sa situation financière et préserver les générations futures.

Le défi est immense et la réforme ne pourra pas se faire sans coût. Et, sans surprise, les nombreuses mesures financières contenues dans le paquet global divisent le monde politique et la population : d’un côté, les partisans de Prévoyance 2020 estiment qu’il n’y a pas d’autre choix si l’on veut atteindre les objectifs annoncés alors que de l’autre, les opposants avancent leurs arguments pour démontrer que l’addition est décidément trop salée…

Pour forger son opinion à l’approche de la votation populaire du 24 septembre prochain, il est donc indispensable de comprendre, pour chacune des propositions de la réforme, quelles en seront concrètement les conséquences financières pour l’AVS et la prévoyance professionnelle, d’une part, et les répercussions économiques pour les assurés eux-mêmes, d’autre part. Voici donc, de manière simplifiée et résumée, les propositions financières majeures que le projet de réforme entend mettre en œuvre pour dégager des recettes supplémentaires et réaliser des économies.

Du côté de l’AVS, les principales mesures visant à renflouer les caisses sont le relèvement de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans, la hausse de 0.6% du taux de la TVA, la hausse des cotisations de 0.3% ainsi que l’attribution à l’AVS de la totalité du pourcent démographique. Cette dernière mesure concerne l’attribution de 100% du relèvement de 1% de la TVA au profit de l’AVS décidé en 1999 (« pourcent démographique ») contre 83% aujourd’hui. Mais, dans le même temps, la décision des chambres fédérales d’attribuer aux nouveaux rentiers AVS un supplément de 70 francs par mois et de relever le plafond de la rente de couple de 150% à 155% de la rente individuelle en compensation de la baisse du taux de conversion LPP pèsera sur les finances du premier pilier.

Au niveau de la prévoyance professionnelle, le relèvement de l’âge de la retraite des femmes constituera également une source de financement additionnel. Autre mesure-phare de la réforme, la baisse de taux de conversion minimal améliorera la situation des institutions de prévoyance car celui-ci correspondra mieux à l’espérance de vie moyenne des retraités et au rendement prévisible sur le marché des capitaux. Cette mesure ne touchera cependant pas la « génération transitoire » (c’est-à-dire les personnes qui seront âgées de 45 ans et plus au 1er janvier 2019) car celles-ci bénéficieront d’une garantie des droits acquis qui représentera une charge importante pour le Fonds de garantie LPP chargé de verser les subsides. Finalement, la baisse de la déduction de coordination et l’augmentation de 1% des bonifications vieillesse entre 35 et 54 ans provoqueront une hausse de la part de salaire assuré et donc une augmentation des cotisations d’épargne.

Et il reste un sujet essentiel : qu’en est-il des répercussions économiques de la réforme sur les assurés eux-mêmes ? Comment chacun d’entre nous sera-t-il impacté financièrement par toutes ces mesures ? Malheureusement, il n’y a pas de réponse simple et unique à cette question. En effet, l’impact financier pour chacun des assurés dépendra de sa situation propre et il variera donc en fonction de nombreux paramètres personnels : l’âge, le niveau de revenus ou de services et biens consommés, le capital vieillesse disponible ou le fait d’être ou non un nouveau rentier sont autant d’éléments à prendre en compte pour estimer les conséquences financières de la réforme.

Vous trouverez ci-dessous un tableau récapitulatif qui vous donnera, d’une part, les estimations chiffrées réalisées par l’OFAS concernant les conséquences financières de la réforme pour l’AVS et de la prévoyance professionnelle et, d’autre part, des indications plus générales concernant les répercussions économiques des mesures pour les différentes catégories d’assurés permettant ainsi à chacun de mieux comprendre quelle sera sa situation personnelle future si le projet est accepté.

Comme d’habitude, nous nous réjouissons de recevoir vos réactions, propositions ou questions à l’adresse News.FondationFCT@trianon.ch et vous donnons d’ores et déjà rendez-vous après la votation du 24 septembre pour le prochain épisode sur la Prévoyance vieillesse 2020.


Pourquoi le supplément AVS ne concerne-t-il que les nouveaux rentiers ?

L’une des mesures les plus controversées du projet de réforme Prévoyance vieillesse 2020 est le supplément de rente AVS de 70 francs par mois et le relèvement du plafond pour la rente de couple de 150% à 155% de la rente individuelle. Mais cette mesure ne concerne que les nouveaux retraités, pourquoi ?

Pour les promoteurs de cette mesure, le raisonnement est simple : il est logique que seuls les nouveaux retraités bénéficient d’une augmentation de prestations puisque ce sont eux qui seront les plus affectés par les aspects défavorables de la réforme. Cela est particulièrement vrai pour la baisse du taux de conversion minimal de 6.8% à 6% dont les effets n’auront aucun impact pour les rentiers actuels dont les rentes sont garanties. C’est donc principalement pour réduire cette baisse des prestations dans la prévoyance professionnelle pour les futurs rentiers qu’une compensation a été introduite au niveau de l’AVS dans le projet de réforme.

Mais cette proposition a de nombreux détracteurs qui préconisent de trouver un mécanisme de compensation des rentes LPP dans la prévoyance professionnelle et non pas dans l’AVS : en effet, selon eux, cette mesure va dans le sens contraire de l’objectif de la réforme en péjorant la situation financière de l’AVS au lieu de la garantir à moyen terme. De plus, ils estiment que cela introduit le principe d’une « AVS à deux vitesses » qui est contraire au principe d’égalité de traitement de notre premier pilier et qu’en plus elle ne profitera pas aux personnes qui en auraient le plus besoin, c’est-à-dire celles qui sont au bénéfice de prestations complémentaires, car le supplément qui leur sera versé dans l’AVS leur sera déduit des prestations complémentaires.

Après avoir fait l’objet de divergences majeures aux chambres fédérales, gageons que cette mesure fera encore beaucoup couler beaucoup d’encre avant la votation populaire de septembre prochain !

 

 

Principales mesures de la réforme Répercussions économiques pour les assurés Conséquences financières pour l’AVS et la prévoyance professionnelle en 2030
Relèvement de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans Les femmes devront renoncer à leurs rentes de vieillesse et continuer à payer des cotisations sur leur salaire pendant une année supplémentaire. En contrepartie, leurs rentes de vieillesse seront augmentées de 4% à 5% pour la partie obligatoire. Pour l’AVS, économie sur les rentes de 1 210 millions de francs et hausse des recettes de 110 millions de francs due à la prolongation de l’obligation de cotiser. Le même principe s’appliquera à la prévoyance professionnelle.
Supplément AVS de 70 francs et relèvement du plafond pour les couples Les nouveaux rentiers toucheront 840 francs par an de plus pour une rente individuelle et au maximum 2'712 francs par an de plus pour une rente de couple. Cette mesure de compensation de la baisse du taux de conversion entrainera un coût supplémentaire pour l’AVS de 1'370 millions de francs.
Hausse des cotisations AVS Les cotisations AVS augmenteront de 0.3%, réparti à parts égales entre employeur et employés. Le salaire des assurés sera donc imputé de 0.15% supplémentaire. La hausse des cotisations apportera des recettes supplémentaires pour l’AVS de 1'400 millions de francs.
Hausse de la TVA En cas d’acceptation du projet, le taux de TVA sera plus élevé de 0.60%, augmentant d’autant le coût des biens et services consommés par chaque assuré. Ce financement additionnel apportera des recettes supplémentaires pour l’AVS de 2'140 millions de francs.
Pourcent démographique - L’attribution de 100% du pourcent démographique au profit de l’AVS entrainera des recettes supplémentaires pour l’AVS de 610 millions de francs
Baisse du taux de conversion minimal à 6% Pour chaque tranche de 100'000 francs épargnés, la rente annuelle s’élèvera à 6'000 francs par an au lieu de 6'800 francs, mais uniquement sur la partie obligatoire LPP des nouveaux rentiers. Cette baisse ne touchera pas la « génération transitoire » (les personnes qui seront âgées de 45 ans et plus au 1er janvier 2019) car celles-ci bénéficieront d’une garantie des droits acquis. La baisse du taux de conversion minimal contribuera à stabiliser la situation financière des institutions de prévoyance. Les subsides versés par le Fonds de garantie LPP en faveur de la génération transitoire coûteront 400 millions de francs.
Baisse de la déduction de coordination et augmentation des bonifications de vieillesse L’augmentation de la part de salaire assuré et le relèvement de 1% des bonifications de vieillesse entre 35 et 54 ans auront pour effet une augmentation des cotisations LPP. En contrepartie, ces modifications permettront une augmentation de l’avoir de vieillesse et donc une amélioration des prestations, en particulier pour les personnes à faible revenu ou qui travaillent à temps partiel. La baisse de la déduction de coordination et la hausse des bonifications de vieillesse apporteront dans la prévoyance professionnelle des cotisations supplémentaires de 1'200 millions de francs.